Le juste prix

L'expression a-t-elle encore un sens aujourd'hui ?

Si l'on arrondit à 152 h mensuelles la durée légale du travail, si l'on tient compte de congés comme d'un droit, si l'on tient compte qu'un salaire comporte les cotisations censées assurer une certaine sécurité, actuelle et future, si l'on contribue aux charges de la collectivité…  Il faut se faire à l'idée que l'heure de travail coûte à peu près 23 € à celui qui paye, alors que le travailleur touchera à peu près 10 €.

Voilà qui vous met le caddie hebdomadaire à une journée de travail, si vous êtes économe.

On moquera ceux qui paient l'abonnement au téléphone mobile avec connexion internet, l'abonnement aux offres groupées pour TV et autres… On les dira pseudo-pauvres parce qu'ils ambitionnent d'être comme tout le monde, à l'heure où l'on considère que vous devez avoir un e-phone pour payer sans contact, et une adresse mail, en particulier pour les impôts.

Incurie encore que de vouloir vêtir de "marques" des enfants et des jeunes dont on craint que s'ils ne suivent la mode, ils n'allongent bientôt les files de pôle sans emploi.

Car vous êtes ringard si vous ne suivez le monde, et donc exclu. Gilet jaune ou pas. Vous êtes sur le bas-côté des avenues à la mode.

Lorsque vous attendez les soldes, pour faire des affaires ou parce que votre budget vous l'impose, retenez les rabais allant jusqu'à 70 %. Comme la vente à perte est interdite, autant dire que ceux qui ont fabriqué le produit n'émargent que sur la portion congrue. Si vous militez pour l'emploi, vous devriez rayer ces magasins de vos listes, puisqu'ils se sont exclus de ceux qui procurent du travail et les moyens d'en vivre.

Appartenez-vous à ceux qui vivent de "l'intelligence numérique", cette manie accélérée de rendre obsolète ce qui vous satisfaisait hier ?

A l'heure où l'on ne cesse d'incriminer les transports coupables de pollution, vous vous sentez contraint de vous déplacer, alors que c'est vous qui devenez déplacés. 

Avez-vous envie de préserver votre espace-temps que l'on vous jugera réfractaire au monde d'aujourd'hui.

Quelle chance vous avez si vous ne comptez pas votre temps ! Vous appartenez aux privilégies qui n'ont pas besoin de le faire payer. 

Vous vous étonnez de l'obsolescence de plus en plus rapide, programmée ou non. Cela signe la vôtre !

Pour autant, ne cédez pas à la déprime. Et quand bien même la vue d'un uniforme ne vous apaiserait plus.

L'obstination à préserver ce que vous souhaitez est devenue le seul moyen de résister à ces sachants d'un alphabet qui ne reconnaît plus vos lettres. Le prix que vous attachez à votre quotidien ne se dévaluera que si bous l'abandonnez.

Lorsque les choses n'ont plus de prix, les hommes perdent leur importance.