Avoir peur

Quoi de plus naturel qu'avoir peur ?

Faut-il rappeler que notre système nerveux central a pour fonction première d'assurer notre survie en maintenant une attention permanente envers le monde qui nous entoure. 

Nous ne partons pourtant pas en courant, comme des chevaux, lorsque point une menace, une bizarrerie, une étrangeté. Mammifère nous sommes et nous restons, assurant notre quotidien par la vigilance.

Nous sommes, certes, devenus intelligents. Mais la peur existe toujours, à la limite de ce que nous ne comprenons pas.

Du reste, les raisons d'avoir peur ne manquent pas. La mort, la menace, la maladie... et que sais-je encore ?

Elle n'est pourtant qu'un signal, une invite. C'est la suite qui compte. Que faire afin d'assurer ce qui doit l'être ?

Le pire qui nous guette provient de l'impuissance. La peur sans issue.

Nous sommes inégaux devant elle, du lâche jusqu'au téméraire, en passant par le prudent et le raisonnable.

Commune, la peur requiert la réponse qui l'apaise, par la réponse trouvée. Du reste, l'expérience procure sans doute une sentiment de sécurité. Tout comme celui qui prend des risques apprend à les mesurer. Il ne s'y adonne pas, ne s'y livre pas, mais joue.

Et puis il y a la peur des autres, évidemment moins naturelle. Pourquoi et comment avoir peur de ses congénères ? Cela tient sans doute à l'enfance. Le difforme et l'étrange peuvent terrifier.

La peur naît dans l'enfance, tout comme le cauchemar. 

La vie en société devrait nous rassurer... comme les chevaux. Est-ce le cas ? D'autant que ce qui se dit, ce qui se transmet est ce qui frappe. 

On finirait par croire que la peur appelle une réponse sécuritaire, et non sécurisante. La société a inventé les forces de l'ordre, déclinées en plusieurs versions, filles de l'autorité de l'Etat.

Nos sociétés sont plus sûres ? Le croire est une chose. Sortir sans crainte en est une autre.

Du reste, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen comporte ce droit à la sécurité. Du coup, l'Etat en est en charge.

En ces temps où l'épidémie s'obstine, j'entendais un préfet discourir, puisqu'à lui sont confiées les mesures à prendre. A ma grande honte, c'est lui qui m'a fait peur, son discours, son style, son ton. Contre le virus, je peux mettre un masque. Mais contre lui ?

Lorsque les défenseurs du bien disposent du pouvoir de l'Etat, j'ai peur.