De la norme à l'énorme

Qu'attendre d'une femme aux allures de sacristain ? Qu'elle manie le goupillon, bien sûr !

En guise de bénédiction elle assène ce qu'elle croit banal dans son esprit aigu, c'est-à-dire étroit.

En tête du gouvernement, qui pourtant en semble démuni, elle profère deux fois au moins de manière récente (à deux propos distincts) qu'il faut attendre "que la justice ait établi les faits".

Qu'un impoliticard botte en touche n'a rien d'original puisque son art consiste à transformer un refrain en simili pensée. L'essentiel réside dans le contresens.

Le rôle de la justice n'est pas d'établir les faits, mais de les qualifier. La réalité est une chose, mais la notion de dommage est autre chose.

Quiconque, à part la grenouille sans bénitier, sait que l'établissement des faits relève d'une enquête, et donc de la police, ou tout autre instance à qui l'on confie le pouvoir (et les moyens) d'investiguer.

La justice intervient s'il y a un dommage, et au nom sans doute de ceux qui en ont pâti.

Rien n'interdit à quiconque de penser ce qu'il veut, que ce soit des faits ou encore de la qualification qui en a été éventuellement faite.

Lorsqu'on met comme borne (!) la justice qui établirait les faits, cela revient à décider que la réalité n'existe pas. Dès lors, il est inconvenant d'en penser quoi que ce soit. Il faut attendre et se conformer ensuite à la doctrine une fois prononcé le jugement.

On passe de la sanctification de la présomption d'innocence à celle de la vérité unique et sacrée, après l'audience.

Faut-il être stupide pour être ministre ? Ce n'est pas obligatoire. Il suffit d'être un nouveau cul béni d'une parole qui ferait force de loi parce qu'elle est sans foi. 

Il n'y a cependant pas lieu de penser que l'impétrante n'aie des qualités, dont celle de l'honnêteté, sous forme de dévotion. Voilà qui rend le danger encore plus grand.

C'est un désastre, intellectuel et humain, que de nier la réalité pour la confondre avec le jugement qu'on en a. Il est frappant que nul ne le relève, dont les pisse-copie affairés à une servitude qu'ils vivent comme un service rendu : l'information, disent-ils, s'agissant d'une chambre à écho.

Dès lors, à quoi bon se soucier que les gens aient un point de vue. La vérité est dans la doctrine.

On dit que la colère populaire peut naître du sentiment de n'être pas entendu. Après le gag indécent de la retraite, allez convaincre les jeunes qu'il faut qu'ils participent, s'expriment et méritent leur place dans la société.

Mais ne généralisons pas ! Autre antienne. Ce ne sont que des voyous qui brûlent et qui cassent, visant au premier chef tout ce qui évoque l'Etat et l'impuissance publique. La jeunesse reste saine. A preuve qu'elle s'occupe avec des écrans.

Il est en effet bien connu que l'écran sert au besoin à masquer ce qui est.